Les troubles anormaux du voisinage enfin insérés dans le code civil
À une large majorité, les députés ont adopté lundi 4 décembre ma proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.
Ce texte permet de poser les conditions d’un « vivre ensemble » équilibré.
Ainsi l’article unique de cette proposition de loi insère un nouvel article 1253 au sein du code civil, qui procède à deux ajouts.
Le premier alinéa codifie la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, fruit d’une construction jurisprudentielle.
Le second alinéa inscrit dans le code civil l’exception à l’engagement de cette responsabilité dès lors que trois critères sont présents : l’antériorité de l’activité, le respect par celle-ci de la législation en vigueur et sa poursuite dans les mêmes conditions.
C’est-à-dire que le trouble anormal de voisinage ne peut pas ouvrir droit à des réparations lorsque l’activité qui génère des nuisances préexiste à l’installation du plaignant, qu’elle se poursuit dans les mêmes conditions et que cette activité respecte la législation et réglementation.
Cette exception tend à limiter les conflits de voisinage entre les nouveaux habitants d’un territoire (urbain et rural) et les acteurs, notamment économiques, culturels ou encore touristiques, déjà établis sur celui‑ci. Vivre dans un territoire suppose l’acceptation de ses habitants, voire l’adhésion à un mode de vie, à une culture. Il est fondamental de trouver un juste équilibre permettant à toutes et à tous de mieux vivre ensemble au quotidien et c’est justement l’objet de ce texte.
En outre, rappelons qu’à compter du 1re octobre la tentative de résolution amiable devient obligatoire - avant de saisir le juge - pour les litiges liés aux troubles anormaux du voisinage. Cette disposition devrait faire diminuer les contentieux.
Enfin, il est également indispensable d’encourager les initiatives territoriales.
En 2020, la chambre des notaires du Morbihan ainsi que le préfet ont eu l’idée d’insérer dans les actes de vente une clause stipulant que l’acquéreur a bien pris connaissance de son environnement immédiat, notamment aux activités professionnelles susceptibles d’occasionner des nuisances. Ce type d’initiatives permettra d’accroitre les effets de la loi et de limiter également les contentieux liés au trouble anormal du voisinage.
La balle est dorénavant dans le camp du Sénat, la chambre haute examinera prochainement cette proposition de loi.
Vrai ou Faux au sujet de ma proposition de loi
- Ce texte ne change rien ?
C’est FAUX. Cette proposition de loi a deux mérites.
Premièrement, celui d’inscrire dans le code civil la définition du trouble anormal du voisinage, qui est pour le moment une construction jurisprudentielle. Cette inscription dans la loi permettra ainsi de rendre le droit plus lisible et plus accessible à tous nos concitoyens. C’est également le moyen de garantir une application homogène - du principe de responsabilité fondé sur les troubles anormaux du voisinage - sur l’ensemble du territoire national.
Deuxièmement, ce texte élargit la clause exonératoire de responsabilité sans pour autant donner un blanc-seing aux responsables des troubles anormaux du voisinage.
C’est-à-dire que le trouble anormal de voisinage ne peut pas ouvrir droit à des réparations lorsque l’activité qui génère des nuisances préexiste à l’installation du plaignant, qu’elle se poursuit dans les mêmes conditions et que cette activité respecte la législation.
Attention, il ne s’agit pas d’un « droit à polluer ». Si l’activité ne respecte pas la législation ou la réglementation notamment en matière environnementale, le responsable verra sa responsabilité engagée.
- L’exception, visée à l’alinéa 5 de la proposition de loi, est un « droit à polluer » pour le premier occupant ?
C’est FAUX. Trois critères cumulatifs sont nécessaires pour invoquer l’exception visée à l’alinéa 5 de la proposition de loi : l’antériorité de l’activité, la poursuite de celle-ci dans les mêmes conditions et le respect de la législation et de la réglementation.
Dès lors le premier occupant à l’obligation de respecter le code de l’environnement et de la santé publique, il n’y a donc pas de « droit à polluer ».
Pour rappel, les lois spéciales dérogent aux lois générales (specialia generalibus derogant). En l’espèce, lorsqu’il y aura une disposition spécifique (droit de l’environnement, de la santé…), cette dernière s’appliquera et non le nouvel article 1253 inséré dans le code civil.
- Cette proposition de loi empêchera-t-elle les agriculteurs, les industriels, les commerçants de faire évoluer leur activité ?
Elle vise à mieux encadrer les troubles anormaux du voisinage.
Après la promulgation de ce texte, un agriculteur pourra - bien entendu - toujours s’agrandir ou mettre son installation aux normes. La mise aux normes n’engendre pas de trouble anormal du voisinage.
Pour rappel : pour que le trouble du voisinage soit constitué, il est indispensable que soit constaté un trouble anormal, s'inscrivant dans un rapport de voisinage, et créant un préjudice, dès lors qu'il y a un lien de causalité entre le trouble et le préjudice.
- Observons-nous une multiplication des affaires sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ?
C’est FAUX. Les chiffres fournis par la direction des affaires civiles et du sceaux (DACS) du ministère de la Justice ne montrent aucune augmentation des affaires liées aux troubles anormaux du voisinage et ce, ni en zone urbaine ou rurale.